Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 1.djvu/226

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

venir en présence de cette incantation épouvantable. Il plie sous l’énigme de ces intonations draconiennes. Quel sous-entendu y a-t-il ? Que signifient-elles ? qui menacent-elles ? qui supplient-elles ? Il y a là comme un déchaînement. Vociférations de précipice à précipice, de l’air à l’eau, du vent au flot, de la pluie au rocher, du zénith au nadir, des astres aux écumes, la muselière du gouffre défaite, tel est ce tumulte, compliqué d’on ne sait quel démêlé mystérieux avec les mauvaises consciences.

La loquacité de la nuit n’est pas moins lugubre que son silence. On y sent la colère de l’ignoré.

La nuit est une présence. Présence de qui ?

Du reste, entre la nuit et les ténèbres, il faut distinguer. Dans la nuit il y a l’absolu ; il y a le multiple dans les ténèbres. La grammaire, cette logique, n’admet pas de singulier pour les ténèbres. La nuit est une, les ténèbres sont plusieurs.

Cette brume du mystère nocturne, c’est l’épars, le fugace, le croulant, le funeste. On ne sent plus la terre, on sent l’autre réalité.