Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 1.djvu/254

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noroit drossait l’ourque sur les Casquets. On y allait. Pas de refus possible. On dérivait rapidement vers le récif. On sentait monter le fond ; la sonde, si on eût pu mouiller utilement une sonde, n’eût pas donné plus de trois ou quatre brasses. Les naufragés écoutaient les sourds engouffrements de la vague dans les hiatus sous-marins du profond rocher. Ils distinguaient au-dessous du phare, comme une tranche obscure, entre deux lames de granit, la passe étroite de l’affreux petit havre sauvage qu’on devinait plein de squelettes d’hommes et de carcasses de navires. C’était une bouche d’antre, plutôt qu’une entrée de port. Ils entendaient le pétillement du haut bûcher dans sa cage de fer, une pourpre hagarde illuminait la tempête, la rencontre de la flamme et de la grêle troublait la brume, la nuée noire et la fumée rouge combattaient, serpent contre serpent, un arrachement de braises volait au vent, et les flocons de neige semblaient prendre la fuite devant cette brusque attaque d’étincelles. Les brisants, estompés d’abord, se dessinaient maintenant nettement, fouillis de roches, avec des pics, des crêtes et des vertèbres. Les angles