Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 1.djvu/303

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crime et de détresse, et fit quelques pas vers le bordage. Arrivé au bord de l’épave, il regarda dans l’infini, et dit avec un accent profond :

Bist du bei mir[1] ?

Il parlait probablement à quelque spectre.

L’épave s’enfonçait.

Derrière le docteur tous songeaient. La prière est une force majeure. Ils ne se courbaient pas, ils ployaient. Il y avait de l’involontaire dans leur contrition. Ils fléchissaient comme se flétrit une voile à qui la brise manque, et ce groupe hagard prenait peu à peu, par la jonction des mains et par l’abattement des fronts, l’attitude, diverse, mais accablée, de la confiance désespérée en Dieu. On ne sait quel reflet vénérable, venu de l’abîme, s’ébauchait sur ces faces scélérates.

Le docteur revint vers eux. Quel que fût son passé, ce vieillard était grand en présence du dénoûment. La vaste réticence environnante le préoccupait sans le déconcerter. C’était l’homme qui n’est pas pris au dépourvu. Il y avait sur lui

  1. — Es-tu près de moi ?