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INTRODUCTION

La Légende des Siècles est inséparable de l’exil de Victor Hugo : elle est pour une large part la continuation des Châtiments ; elle constitue en maint endroit le cahier des doléances et des confidences du proscrit ; elle est le reflet de la philosophie conçue et organisée par le penseur solitaire de Jersey et elle a emprunté quelque chose de sa grandeur épique à la majesté de l’océan des îles anglo-normandes. On ne saurait donc l’étudier sans préciser d’abord dans quelles circonstances, dans quel décor elle est née, et sans exposer quelle a été l’influence de ces circonstances et de ce décor sur le tempérament du poète et la nature de son inspiration.

I

Avant l’exil.

C’est le cinq août 1852 que V. Hugo débarqua sur la côte de l’île de Jersey, à Saint-Hélier.

Il y avait huit mois qu’il avait quitté Paris : ces huit mois, il les avait passés à Bruxelles, où il avait écrit Napoléon le Petit et L’Histoire d’un Crime, premiers cris de l’immense et légitime colère dont il était secoué. À l’heure où V. Hugo, chassé de Bruxelles par la loi Faider, mettait le pied sur le sol anglais, son indignation était loin d’être calmée. La blessure de ses illusions déçues saignait encore : il avait été humilié dans sa dignité d’homme, trompé dans ses espérances politiques, et, par surcroît, la presse bonapartiste cherchait à le couvrir de ridicule.

Pour bien comprendre toute l’étendue de sa déception,