Page:Hugo - Légende des siècles, Hachette, 1920, 1e série, volume 1.djvu/182

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II

Ineffable lever du premier rayon d’or ! Du jour éclairant tout sans rien savoir encor ! Ô Matin des matins ! amour ! joie effrénée De commencer le temps, l’heure, le mois, l’année ! Ouverture du monde ! instant prodigieux ! La nuit se dissolvait dans les énormes cieux Où rien ne tremble, où rien ne pleure, où rien ne souffre ; Autant que le chaos la lumière était gouffre ; Dieu se manifestait dans sa calme grandeur, Certitude pour l’âme et pour les yeux splendeur ; De faîte en faîte, au ciel et sur terre, et dans toutes Les épaisseurs de l’être aux innombrables voûtes, On voyait l’évidence adorable éclater ; Le monde s’ébauchait ; tout semblait méditer ; Les types primitifs, offrant dans leur mélange Presque la brute informe et rude et presque l’ange, Surgissaient, orageux, gigantesques, touffus ; On sentait tressaillir sous leurs groupes confus La terre, inépuisable et suprême matrice ; La création sainte, à son tour créatrice,