Page:Hugo - Légende des siècles, Hachette, 1920, 1e série, volume 1.djvu/222

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Soudain, dans l’angle obscur de la lugubre étable, La grille s’entr’ouvrit ; sur le seuil redoutable, Un homme que poussaient d’horribles bras tremblants, Apparut ; il était vêtu de linceuls blancs ; La grille referma ses deux battants funèbres ; L’homme avec les lions resta dans les ténèbres. Les monstres, hérissant leur crinière, écumant, Se ruèrent sur lui, poussant ce hurlement Effroyable, où rugit la haine et le ravage Et toute la nature irritée et sauvage Avec son épouvante et ses rébellions ; Et l’homme dit : « La paix soit avec vous, lions ! » L’homme dressa la main ; les lions s’arrêtèrent.

Les loups qui font la guerre aux morts et les déterrent, Les ours au crâne plat, les chacals convulsifs Qui pendant le naufrage errent sur les récifs, Sont féroces ; l’hyène infâme est implacable ; Le tigre attend sa proie et d’un seul bond l’accable ; Mais le puissant lion, qui fait de larges pas, Parfois lève sa griffe et ne la baisse pas, Étant le grand rêveur solitaire de l’ombre.

Et les lions, groupés dans l’immense décombre, Se mirent à parler entre eux, délibérant ; On eût dit des vieillards réglant un différend