Page:Hugo - La Fin de Satan, 1886.djvu/284

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La matière a mon signe au front. Je la querelle.
J’effare l’eau sans fond sous des gouffres de grêle.
Je contrains l’océan, que Dieu tient sous sa loi,
Et la terre, à créer du chaos avec moi,
Je fais de la laideur énorme avec leur force,
Un monstre avec l’écume, un monstre avec l’écorce,
Sur terre Béhémoth, Léviathan sur mer.
Je complète partout le chaos par l’enfer,
La bête par l’idole, et les rats, les belettes,
La torpille, l’hyène acharnée aux squelettes,
La bave du crapaud, la dent du caïman,
Par le bonze, l’obi, le fakir et l’iman.
Dieu passe dans le cœur des hommes, j’y séjourne.
Sa roue avec un bruit sidéral roule et tourne,
Mais c’est mon grain lugubre et sanglant qu’elle moud ;
Jéhovah reculant sent aujourd’hui partout
Une création de Satan sous la sienne ;
Son feu ne peut briller sans que mon souffle vienne.
Il est le char ; je suis l’ornière. Nous croisons
Nos forces ; et j’emploie aux pestes, aux poisons,
Aux monstres, aux déserts, son pur soleil candide ;
C’est Dieu qui fait le front, moi qui creuse la ride ;
Il est dans le prophète et moi dans les devins.
Guerre et deuil ! je lui prends tous ses glaives divins,
Le glaive d’air, le vent, le glaive d’eau, la pluie,
L’épée éclair, stupeur de la terre éblouie,