Page:Hugo - La Fin de Satan, 1886.djvu/293

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Aspirer un fluide étrange, aérien,
Impalpable, et flotter, et n’entendre plus rien,
Ni mon aile frémir, ni battre mon artère,
Ni ces cris dont je suis la cause sur la terre :
— Tuons ! Frappons ! Damnons ! J’ai peur ! J’ai froid ! J’ai faim !
Sentir ma misérable oreille sourde enfin !
Oh ! me coucher, rentrer mes griffes sous ma tête,
Dire : « C’est bien ! je dors, tout comme une autre bête,
« Comme un léopard, comme un chacal, comme un loup !
« Une nuée auguste et calme me dissout ! »
Mais non ; jamais ! Je traîne à jamais l’insomnie
Dans une immensité sinistre d’agonie.
Ne pas mourir, ne pas dormir. Voilà mon sort.
En songe on ne sort pas, mais on croit que l’on sort ;
C’est assez. Je n’ai point cette trêve. Ma peine
C’est d’être là, toujours debout ; d’être une haine
Eternelle, guettant dans l’ombre affreusement ;
Et c’est de regarder sans cesse fixement
Les escarpements noirs du mystère insondable.
Voir toujours fuir, ainsi qu’une île inabordable,
Le sommeil et le rêve, obscurs paradis bleus
Où sourit on ne sait quel azur nébuleux ;
O condamnation !

                      Je suis sous cette voûte.
Je regarde l’horreur profonde, et je l’écoute.
Pas un être ne peut souffrir sans que j’en sois.
Je suis l’affreux milieu des douleurs. Je perçois