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LA LÉGENDE DES SIÈCLES.

Il fut plus triomphant que la gerbe des blés ;
Quand il passait devant les vieillards assemblés,
Sa présence éclairait ces sévères visages ;
Par la chaîne des mœurs pures et des lois sages
À son cher Danemark natal il enchaîna
Vingt îles, Fionie, Arnhout, Folster, Mona ;
Il bâtit un grand trône en pierres féodales ;
Il vainquit les Saxons, les Pictes, les Vandales,
Le Celte, et le Borusse, et le Slave aux abois,
Et les peuples hagards qui hurlent dans les bois ;
Il abolit l’horreur idolâtre, et la rune,
Et le menhir féroce où le soir, à la brune,
Le chat sauvage vient frotter son dos hideux ;
Il disait en parlant du grand César : « Nous deux ; »
Une lueur sortait de son cimier polaire ;
Les monstres expiraient partout sous sa colère ;
Il fut, pendant vingt ans qu’on l’entendit marcher,
Le cavalier superbe et le puissant archer ;
L’hydre morte, il mettait le pied sur la portée ;
Sa vie, en même temps bénie et redoutée,
Dans la bouche du peuple était un fier récit ;
Rien que dans un hiver, ce chasseur détruisit
Trois dragons en Écosse, et deux rois en Scanie ;
Il fut héros, il fut géant, il fut génie ;
Le sort de tout un monde au sien semblait lié ;
Quant à son parricide, il l’avait oublié.
Il mourut. On le mit dans un cercueil de pierre ;
Et l’évêque d’Aarhus vint dire une prière,