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LA LÉGENDE DES SIÈCLES.


Réplique Pacheco. Frères, si maintenant
Nous le laissons vivant, nous le faisons manant.
Je lui dirais : « Choisis : la mort, ou bien le cloître. »
Si, pouvant disparaître, il aime mieux décroître,
Je vous l’enferme au fond d’un moutier vermoulu,
Et je lui dis : C’est bon. C’est toi qui l’as voulu.
Un roi qu’on avilit tombe ; on le destitue
Bien quand on le méprise et mal quand on le tue.
Nuño mort, c’est un spectre ; il reviendrait. Mais, bah !
Ayant plié le jour où mon bras le courba,
Mais s’étant laissé tondre, ayant eu la paresse
De vivre, que m’importe après qu’il reparaisse !
Je dirais : « Le feu roi hantait les filles ; bien ;
» A-t-il eu quelque part ce fils ? Je n’en sais rien ;
» Mais depuis quand, bâtard et lâche, est-on des nôtres ?
» Toute la différence entre un rustre et nous autres,
» C’est que, si l’affront vient à notre choix s’offrir,
» Le rustre voudra vivre et le prince mourir ;
» Or, ce drôle a vécu. » Les manants ont envie
De devenir caducs, et tiennent à la vie ;
Ils sont bourgeois, marchands, bâtards, vont aux sermons,
Et meurent vieux ; mais nous, les princes, nous aimons
Une jeunesse courte et gaie à la fin sanglante ;
Nous sommes les guerriers ; nous trouvons la mort lente,
Et nous lui crions : « Viens ! » et nous accélérons
Son pas lugubre avec le bruit de nos clairons.
Le peuple nous connaît, et le sait bien ; il chasse
Quiconque prouve mal sa couronne et sa race,