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LA LÉGENDE DES SIÈCLES.

Tous d’un côté ; de l’autre, un seul ; tragique duel !
Lutte énorme ! combat de l’Hydre et de Michel !

Qui pourrait dire, au fond des cieux pleins de huées,
Ce que fait le tonnerre au milieu des nuées,
Et ce que fait Roland entouré d’ennemis ?
Larges coups, flots de sang par des bouches vomis,
Faces se renversant en arrière livides,
Casques brisés roulant comme des cruches vides,
Flot d’assaillants toujours repoussés, blessés, morts,
Cris de rage ; ô carnage ! ô terreur ! corps à corps
D’un homme contre un tas de gueux épouvantable !
Comme un usurier met son or sur une table,
Le meurtre sur les morts jette les morts, et rit.
Durandal flamboyant semble un sinistre esprit ;
Elle va, vient, remonte et tombe, se relève,
S’abat, et fait la fête effrayante du glaive :
Sous son éclair, les bras, les cœurs, les yeux, les fronts,
Tremblent, et les hardis, nivelés aux poltrons,
Se courbent ; et l’épée éclatante et fidèle
Donne des coups d’estoc qui semblent des coups d’aile ;
Et sur le héros, tous ensemble, le truand,
Le prince, furieux, s’acharnent, se ruant,
Frappant, parant, jappant, hurlant, criant : Main-forte !
Roland est-il blessé ? Peut-être. Mais qu’importe ?
Il lutte. La blessure est l’altière faveur
Que fait la guerre au brave illustre, au preux sauveur,