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LE PETIT ROI DE GALICE.

Et de voir, des hauteurs du monstrueux repaire,
Descendre quelque frère horrible de son père.

Comme le soir tombait, Compostelle apparut.
Le cheval traversa le pont de granit brut
Dont saint Jacque a posé les premières assises.
Les bons clochers sortaient des brumes indécises ;
Et l’orphelin revit son paradis natal.

Près du pont se dressait, sur un haut piédestal,
Un Christ en pierre ayant à ses pieds la madone ;
Un blanc cierge éclairait sa face qui pardonne,
Plus douce à l’heure où l’ombre au fond des cieux grandit.
Et l’enfant arrêta son cheval, descendit,
S’agenouilla, joignit les mains devant le cierge,
Et dit :

Et dit « Ô mon bon Dieu, ma bonne sainte Vierge,
J’étais perdu ; j’étais le ver sous le pavé ;
Mes oncles me tenaient ; mais vous m’avez sauvé ;
Vous m’avez envoyé ce paladin de France,
Seigneur ; et vous m’avez montré la différence
Entre les hommes bons et les hommes méchants.
J’avais peut-être en moi bien des mauvais penchants,
J’eusse plus tard peut-être été moi-même infâme,
Mais, en sauvant la vie, ô Dieu, vous sauvez l’âme ;