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LA LÉGENDE DES SIÈCLES.

Plus noire, et l’on dirait qu’un morceau de cette ombre
A pris forme et s’en est allé dans le bois sombre,
Et maintenant on voit comme un spectre marchant
Là-bas dans la clarté sinistre du couchant.

Ce n’est pas une bête en son gîte éveillée,
Ce n’est pas un fantôme éclos sous la feuillée,
Ce n’est pas un morceau de l’ombre du rocher
Qu’on voit là-bas au fond des clairières marcher ;
C’est un vivant qui n’est ni stryge ni lémure ;
Celui qui marche là, couvert d’une âpre armure,
C’est le grand chevalier d’Alsace, Éviradnus.

Ces hommes qui parlaient, il les a reconnus ;
Comme il se reposait dans le hallier, ces bouches
Ont passé, murmurant des paroles farouches,
Et jusqu’à son oreille un mot est arrivé ;
Et c’est pourquoi ce juste et ce preux s’est levé.

Il connaît ce pays qu’il parcourut naguère.

Il rejoint l’écuyer Gasclin, page de guerre,
Qui l’attend dans l’auberge, au plus profond du val,
Où tout à l’heure il vient de laisser son cheval