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ÉVIRADNUS.

Une sorte de vie effrayante, à sa taille ;
La tempête est la sœur fauve de la bataille ;
Et le puissant donjon, féroce, échevelé,
Dit : Me voilà ! sitôt que la bise a sifflé ;
Il rit quand l’équinoxe irrité le querelle
Sinistrement, avec son haleine de grêle ;
Il est joyeux, ce burg, soldat encor debout,
Quand, jappant comme un chien poursuivi par un loup,
Novembre, dans la brume errant de roche en roche,
Répond au hurlement de Janvier qui s’approche.
Le donjon crie : « En guerre ! ô tourmente, es-tu là ? »
Il craint peu l’ouragan, lui qui vit Attila.
Oh ! les lugubres nuits ! Combat dans la bruine !
La nuée attaquant, farouche, la ruine !
Un ruissellement vaste, affreux, torrentiel,
Descend des profondeurs furieuses du ciel ;
Le burg brave la nue ; on entend les gorgones
Aboyer aux huit coins de ses tours octogones ;
Tous les monstres sculptés sur l’édifice épars,
Grondent, et les lions de pierre des remparts
Mordent la brume, l’air et l’onde, et les tarasques
Battent de l’aile au souffle horrible des bourrasques ;
L’âpre averse en fuyant vomit sur les griffons ;
Et, sous la pluie entrant par les trous des plafonds,
Les guivres, les dragons, les méduses, les drées,
Grincent des dents au fond des chambres effondrées ;
Le château de granit, pareil aux preux de fer,
Lutte toute la nuit, résiste tout l’hiver ;