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LA LÉGENDE DES SIÈCLES.



IV

La coutume de Lusace



C’est l’usage, à la mort d’un marquis de Lusace,
Que l’héritier du trône, en qui revit la race,
Avant de revêtir les royaux attributs,
Aille, une nuit, souper dans la tour de Corbus ;
C’est de ce noir souper qu’il sort prince et margrave ;
La marquise n’est bonne et le marquis n’est brave
Que s’ils ont respiré les funèbres parfums
Des siècles dans ce nid des vieux maîtres défunts ;
Les marquis de Lusace ont une haute tige,
Et leur source est profonde à donner le vertige ;
Ils ont pour père Antée, ancêtre d’Attila ;
De ce vaincu d’Alcide une race coula ;
C’est la race, autrefois païenne, puis chrétienne,
De Lechus, de Platon, d’Othon, d’Ursus, d’Étienne,
Et de tous ces seigneurs des rocs et des forêts
Bordant l’Europe au nord, flot d’abord, digue après.
Corbus est double : il est burg au bois, ville en plaine ;
Du temps où l’on montait sur la tour châtelaine,
On voyait, au delà des pins et des rochers,
Sa ville perçant l’ombre au loin de ses clochers ;