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LA LÉGENDE DES SIÈCLES.

Les plafonds sont dorés et les piliers sont peints ;
Les buffets sont chargés de viandes et de pains,
Et de tout ce que peut rêver la faim humaine ;
Un roi mange en un jour plus qu’en une semaine
Le peuple d’Ispahan, de Byzance et de Tyr ;
Et c’est l’art des valets que de faire aboutir
La mamelle du monde à la bouche d’un homme ;
Tous les mets qu’on choisit, tous les vins qu’on renomme,
Sont là, car le sultan Zizimi boit du vin ;
Il rit du livre austère et du texte divin
Que le derviche triste, humble et pâle, vénère ;
L’homme sobre est souvent cruel, et, d’ordinaire,
L’économe de vin est prodigue de sang ;
Mais Zim est à la fois ivrogne et malfaisant.

Ce qui n’empêche pas qu’il ne soit plein de gloire.
Il règne ; il a soumis la vieille Afrique noire ;
Il règne par le sang, la guerre et l’échafaud ;
Il tient l’Asie ainsi qu’il tient l’Afrique ; il faut
Que celui qui veut fuir son empire, s’exile
Au nord, en Thrace, au sud, jusqu’au fleuve Baxile ;
Toujours vainqueur, fatal, fauve, il a pour vassaux
Les batailles, les camps, les clairons, les assauts ;
L’aigle en l’apercevant crie et fuit dans les roches.
Les rajahs de Mysore et d’Agra sont ses proches,
Ainsi qu’Omar qui dit : « Grâce à moi, Dieu vaincra. »
Son oncle est Hayraddin, sultan de Bassora,