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LA LÉGENDE DES SIÈCLES.

Celui qui, le soir, passe en ce lugubre champ
Entend le bruit que fait le chacal en mâchant ;
L’ombre en ce lieu s’amasse et la nuit est là toute ;
Le voyageur, tâtant de son bâton la voûte,
Crie en vain : « Est-ce ici qu’était le dieu Bélus ? »
Le sépulcre est si vieux qu’il ne s’en souvient plus.


le huitième sphinx



Aménophis, Ephrée et Cherbron sont funèbres ;
Rhamsès est devenu tout noir dans les ténèbres ;
Les satrapes s’en vont dans l’ombre, ils s’en vont tous ;
L’ombre n’a pas besoin de clefs ni de verrous,
L’ombre est forte. La mort est la grande geôlière ;
Elle manie un dieu d’une main familière,
Et l’enferme ; les rois sont ses noirs prisonniers ;
Elle tient les premiers, elle tient les derniers ;
Dans une gaîne étroite elle a roidi leurs membres ;
Elle les a couchés dans de lugubres chambres
Entre des murs bâtis de cailloux et de chaux ;
Et, pour qu’ils restent seuls dans ces blêmes cachots,
Méditant sur leur sceptre et sur leur aventure,
Elle a pris de la terre et bouché l’ouverture.