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SULTAN MOURAD.

Qu’il n’avait de rois morts et de spectres épiques
Volant autour de lui dans les forêts de piques ;
Mourad, fils étoilé des sultans triomphants,
Ouvrit, l’un après l’autre et vivants, douze enfants
Pour trouver dans leur ventre une pomme volée ;
Mourad fut magnanime ; il détruisit Élée,
Mégare et Famagouste avec l’aide d’Allah ;
Il effaça de terre Agrigente ; il brûla
Fiume et Rhode, voulant avoir des femmes blanches ;
Il fit scier son oncle Achmet entre deux planches,
De cèdre, afin de faire honneur à ce vieillard ;
Mourad fut sage et fort ; son père mourut tard,
Mourad l’aida ; ce père avait laissé vingt femmes,
Filles d’Europe ayant dans leurs regards des âmes,
Ou filles de Tiflis au sein blanc, au teint clair ;
Sultan Mourad jeta ces femmes à la mer
Dans des sacs convulsifs que la houle profonde
Emporta, se tordant confusément sous l’onde ;
Mourad les fit noyer toutes ; ce fut sa loi ;
Et, quand quelque santon lui demandait pourquoi,
Il donnait pour raison : « C’est qu’elles étaient grosses. »
D’Aden et d’Erzeroum il fit de larges fosses,
Un charnier de Modon vaincue, et trois amas
De cadavres d’Alep, de Brousse et de Damas ;
Un jour, tirant de l’arc, il prit son fils pour cible,
Et le tua ; Mourad sultan fut invincible :
Vlad, boyard de Tarvis, appelé Belzébuth,
Refuse de payer au sultan le tribut,