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SULTAN MOURAD.

D’où des langues sortaient pour lui lécher les pieds,
Loué pour ses forfaits toujours inexpiés,
Flatté par ses vaincus et baisé par ses proies,
Il vivait dans l’encens, dans l’orgueil, dans les joies,
Avec l’immense ennui du méchant adoré.

Il était le faucheur, la terre était le pré.


III



Un jour, comme il passait à pied dans une rue
À Bagdad, tête auguste au vil peuple apparue,
À l’heure où les maisons, les arbres et les blés
Jettent sur les chemins de soleil accablés
Leur frange d’ombre au bord d’un tapis de lumière,
Il vit, à quelques pas du seuil d’une chaumière,
Gisant à terre, un porc fétide qu’un boucher
Venait de saigner vif avant de l’écorcher ;
Cette bête râlait devant cette masure ;
Son cou s’ouvrait, béant d’une affreuse blessure ;
Le soleil de midi brûlait l’agonisant ;
Dans la plaie implacable et sombre dont le sang
Faisait un lac fumant à la porte du bouge,
Chacun de ses rayons entrait comme un fer rouge ;