Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 2.djvu/23

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Nos casques, nos hauberts et nos piques aux clous.
Roi, nous voulons des chiens qui ne soient pas des loups.
Tes gens se sont conduits d’une telle manière
Qu’aujourd’hui toute ville, altesse, est prisonnière
De la peur que ta suite et tes soldats lui font,
Et que pas un fossé ne semble assez profond.
Vois, on se garde. Ici, dans les villes voisines,
On ne lève jamais qu’un pieu des sarrasines
Pour ne laisser passer qu’un seul homme à la fois ;
À cause des brigands et de vous autres rois.
Roi, nous te remontrons que ta bande à toute heure
Dévalise ce peuple, entre dans sa demeure,
Y met tout en tumulte et sens dessus dessous,
Puis s’en va, lui volant ses misérables sous ;
Cette horde en ton nom incessamment réclame
Le bien des pauvres gens qui nous fait saigner l’âme,
Et puisque, nous présents avec nos compagnons,
On le prend sous nos yeux, c’est nous qui le donnons ;
Oui, c’est nous qui, trouvant qu’il vous manque des filles,
Des meutes, des chevaux, des reîtres, des bastilles,
Lorsque vous guerroyez et lorsque vous chassez,
Et qu’ayant trop de tout, vous n’avez point assez,
Avons la bonté rare et touchante de faire
Des charités, à vous, les heureux de la terre
Qui dormez dans la plume et buvez dans l’or fin,
Avez tous les liards de tous les meurt-de-faim !
Or, il nous reste encore, il faut que tu le saches,
Assez de vieux pierriers, assez de vieilles haches,