Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 2.djvu/258

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Et la terre sentait le froid de son airain,
Quoique, là, d’aucun monde on ne vît les frontières.

Et l’immobilité de tous les cimetières,
Et le sommeil de tous les tombeaux, et la paix
De tous les morts couchés dans la fosse, étaient faits
Du silence inouï qu’il avait dans la bouche ;
Ce lourd silence était pour l’affreux mort farouche
L’impossibilité de faire faire un pli
Au suaire cousu sur son front par l’oubli.
Ce silence tenait en suspens l’anathème.
On comprenait que tant que ce clairon suprême
Se tairait, le sépulcre, obscur, roidi, béant,
Garderait l’attitude horrible du néant,
Que la momie aurait toujours sa bandelette,
Que l’homme irait tombant du cadavre au squelette,
Et que ce fier banquet radieux, ce festin
Que les vivants gloutons appellent le destin,
Toute la joie errante en tourbillons de fêtes,
Toutes les passions de la chair satisfaites,
Gloire, orgueil, les héros ivres, les tyrans soûls,
Continueraient d’avoir pour but et pour dessous
La pourriture, orgie offerte aux vers convives ;
Mais qu’à l’heure où soudain, dans l’espace sans rives,
Cette trompette vaste et sombre sonnerait,
On verrait, comme un tas d’oiseaux d’une forêt,