Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 1.djvu/68

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Le bien, le mal, le faux, le vrai, l’immensité.
Ils sont hideux au fond de la sérénité.
Quels festins ! Comme ils sont contents ! Comme ils s’entourent
De vertiges, de feux, d’ombre ! Comme ils savourent
La gloire d’être grands, d’être dieux, d’être seuls !
Comme ils raillent les vieux géants dans leurs linceuls !
Toutes les vérités premières sont tuées.
Les heures, qui ne sont que des prostituées,
Viennent chanter chez eux, montrant de vils appas,
Leur offrant l’avenir sacré, qu’elles n’ont pas.
Hébé leur verse à boire et leur soif dit : Encore !
Trois danseuses, Thalie, Aglaé, Terpsychore,
Sont là, belles, croisant leurs pas mélodieux.
Qu’il est doux d’avoir fait le mal qui vous fait dieux !
Vaincre ! être situés aux lieux inabordables !
Torturer et jouir ! Ils vivent formidables
Dans l’éblouissement des Grâces aux seins nus.
Ils sont les radieux, ils sont les inconnus.
Ils ont détruit Craos, Nephtis, Antée, Otase ;
Être horribles et beaux, c’est une double extase ;
Comme ils sont adorés ! Comme ils sont odieux !
Ils perdent la raison à force d’être dieux ;
Car la férocité, c’est la vraie allégresse,
Et Bacchus fait traîner par des tigres l’ivresse.
Ils inspirent Dodone, Éléphantine, Endor.
Chacun d’eux à la main tient une coupe d’or
Pure à mouler dessus un sein de jeune fille.
Sur son trépied en Crète, à Cumes sous sa grille,