Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/107

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Y soufflent et s'y font une âpre guerre entr'eux,
Et sur ses tours la pluie en longs fils ténébreux
Tombe comme à travers les mille trous d'un crible ;
Jayme parfois se montre aux ouragans, terrible ;
Il se dresse entre deux nuages entr'ouverts,
Il regarde la foudre et l'autan de travers,
Et fronce un tel sourcil que l'ombre est inquiète ;
Le pâtre voit d'en bas sa haute silhouette
Et croit que ce seigneur des monts et des torrents
Met le holà parmi ces noirs belligérants.
Sa tour est indulgente au lierre parasite.
On a recours à lui quand la victoire hésite,
Il la décide, ayant une altière façon
De pousser l'ennemi derrière l'horizon ;
Il ne permet aucun pillage sur ses terres ;
Il est de ceux qui sont au clergé réfractaires ;
Il est le grand rebelle et le grand justicier ;
Il a la franchise âpre et claire de l'acier ;
Ce n'est pas un voleur, il ne veut pas qu'on dise
Qu'un noble a droit de prendre aux juifs leur marchandise ;
Il jure rarement, donne de bons avis,
Craint les femmes, dort vite, et les lourds ponts-levis
Sont tremblants quand il bat leur chaîne à coups de hache ;
Il est sans peur, il est sans feinte, il est sans tache,
Croit en Dieu, ne ment pas, ne fuit pas, ne hait pas ;
Les défis qu'on lui jette ont pour lui des appas ;
Il songe à ses neveux, il songe à ses ancêtres ;
Quant aux rois, que l'enfer attend, car ils sont traîtres,