Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/123

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Laissez errer là-haut la torche funéraire ; Ne questionnez point sur son itinéraire Ce fantôme, de nuit et de clarté vêtu ; Ne lui demandez pas : Où vas-tu ? D'où viens-tu ? Ne faites pas, ainsi que l'essaim sur l'Hymète, Rôder le chiffre en foule autour de la comète ; Ne soyez pas penseur, ne soyez pas savant, Car vous seriez un fou. Docte, obstiné, rêvant, Ne faites pas lutter l'espace avec le nombre ; Laissez ses yeux de flamme à ce masque de l'ombre ; Ne fixez pas sur eux vos yeux ; et ce manteau De lueur où s'abrite un sombre incognito, Ne le soulevez pas, car votre main savante Y trouverait la vie et non pas l'épouvante, Et l'homme ne veut point qu'on touche à sa terreur ; Il y tient ; le calcul l'irrite ; sa fureur Contre quiconque chercher à l'éclairer, commence Au point où la raison ressemble à la démence ; Alors il a beau jeu. Car imagine-t-on Rien qui semble ici-bas mieux fait pour Charenton Qu'un ascète perdu dans des recherches sombres Après le chiffre, après le rêve, après des ombres, Guetteur pâle, appliquant des verres grossissants Aux faits connus, aux faits possibles, au bon sens, Regardant le ciel spectre au fond du télescope, Chez les astres voyant, chez les hommes myope ! Quoi de plus ressemblant aux insensés que ceux Qui, voyant les secrets d'en haut venir vers eux,