Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/244

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En arrière du tertre, abri sûr, rempart sombre,
Les blancs se ralliaient, comptant leur petit nombre,
Et Jean Chouan parut, ses longs cheveux au vent.
— Ah ! personne n'est mort, car le chef est vivant !
Dirent-ils. Jean Chouan écoutait la mitraille.
— Nous manque-t-il quelqu'un ? — Non. — Alors qu'on s'en aille !
Fuyez tous ! — Les enfants, les femmes aux abois
L'entouraient, effarés. — Fils, rentrons dans les bois !
Dispersons-nous ! — Et tous, comme des hirondelles
S'évadent dans l'orage immense à tire-d'ailes,
Fuirent vers le hallier noyé dans la vapeur ;
Ils couraient ; les vaillants courent quand ils ont peur ;
C'est un noir désarroi qu'une fuite où se mêle
Au vieillard chancelant l'enfant à la mamelle ;
On craint d'être tué, d'être fait prisonnier !
Et Jean Chouan marchait à pas lents, le dernier,
Se retournant parfois et faisant sa prière.

Tout à coup on entend un cri dans la clairière,
Une femme parmi les balles apparaît.
Toute la bande était déjà dans la forêt,
Jean Chouan seul restait ; il s'arrête, il regarde ;
C'est une femme grosse, elle s'enfuit, hagarde
Et pâle, déchirant ses pieds nus aux buissons ;
Elle est seule ; elle crie : À moi, les bons garçons !