Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/276

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

C'était du moins le monstre, à présent c'est le drôle.
Je ressuscite, ô lâche et misérable rôle,
Tel affreux gueux, qui n'est pas même un empereur !
Je me dresse, assombri, sous ce masque d'horreur,
Dans le forum, où nul, hélas ! ne délibère.
Honteux d'être Séjan, je me voudrais Tibère.

Il fut du moins auguste en même temps que vil.
Si de face il fut singe, il fut dieu de profil.
L'histoire le revêt d'une honte immortelle ;
Et son abjection sans bornes n'est pas telle
Qu'on se sente Troplong et Baroche au-dessous.
Oh ! vous me sauverez de ce bagne, gros sous !
Vous me délivrerez. Le peuple sur la claie
Traînera la statue émiettée en monnaie,
Et je serai joyeux que Chodruc et Vadé
Me jettent aux ruisseaux, moi le bronze évadé.
Ô penseur, deviens peuple ! Ô bronze, deviens cuivre !
Car c'est une façon superbe de revivre,
Et rien n'est plus sublime, et rien n'est plus charmant
Que de se disperser sur tous, à tout moment,
Que d'être l'obole humble et de bienfaits remplie,
Le denier qui va, vient, court et se multiplie,
Et qui, chétif, obscur, trivial, triomphant,
Donne au vieillard la vie et la joie à l'enfant.