Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/284

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Je n'ai pas de quoi faire enterrer mon pauvre homme. —

Ainsi parlait la veuve, et je songeais à Rome.
Quoi ! le riche et le pauvre ont des enterrements
Différents ; l'un a droit aux embellissements,
L'autre pas ; l'un descend chez les morts, l'autre y tombe,
Et l'un n'est pas l'égal de l'autre dans la tombe !

Quoi ! Dieu n'est pas gratis ! Quoi ! prêtres, le Martyr,
Le Saint, l'Ange, ne veut de sa boîte sortir
Que pour de l'or ; sinon vous refermez l'armoire
Sur le ciel, sur la Vierge et sa robe de moire,
Et sur l'enfant Jésus rose et couleur de chair !
Quoi ! votre crucifix coûte plus ou moins cher,
Selon qu'il va devant ou qu'il marche derrière !
Prêtres, vous mesurez au cercueil la prière ;
Longue, si le cadavre est grand ; courte, s'il n'est
Qu'un méchant pauvre mort, — le prêtre s'y connaît, —
Cloué dans une bière étroite et misérable !
Prêtres, le hêtre aux champs, l'aulne, l'ormeau, l'érable,
Versent l'ombre pour rien ; Mai ne dit pas aux prés :
Les fleurs, c'est tant. Voyez mon tarif. Vous paierez
Tant pour la violette et tant pour la lavande !
Ah ! Dieu veut qu'on le donne et non pas qu'on le vende !
La mort fut toujours juste et toujours nivela ;
Reconnaissez au moins cette égalité-là ;