Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/346

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Et, plus hauts et plus sourds que le sphinx nubien,
Fouler aux pieds le vrai, le faux, le mal, le bien,
Les uns au nom des droits, d'autres au nom des bibles ;
Ils sont victorieux, formidables, terribles ;
Mais les petits enfants viennent à leur secours.

L'enfant ne suit pas l'homme, ayant les pas trop courts,
Heureusement ; il rit quand nous pleurons, il pleure
Quand nous rions ; son aile en tremblant nous effleure,
Et rien qu'en nous touchant nous transforme, et, sans bruit,
Met du jour dans nos cœurs pleins d'orage et de nuit.
Notre hautaine voix n'est qu'un clairon superbe ;
C'est dans la bouche rose et tendre qu'est le verbe ;
Elle seule peut vaincre, avertir, consoler ;
Dans l'enfant qui bégaie on entend Dieu parler ;
L'enfant parfois défend son père, et, dans la ville
Frémissante de haine et de guerre civile,
Il le sauve ; et le peuple, apaisé, rayonnant,
Dit : Lequel doit la vie à l'autre maintenant ?

Il suffit quelquefois de ce doux petit être,
Plus brave qu'un soldat et plus pensif qu'un prêtre,
Pour rallumer soudain, sous son vol d'alcyon,
Dans une populace un cœur de nation,
Pour que la multitude aveugle ait des prunelles,
Pour qu'on voie accourir des sphères éternelles