Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/347

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La raison, la pitié, l'amour, la vérité,
Et pour que, sur les flots d'un noir peuple irrité,
La Justice, euménide effrayante et sans voile,
Se dresse, ayant au front le pardon, cette étoile !
Il arrive parfois, dans les temps convulsifs,
Quand tout un peuple écume et bat les durs récifs,
Qu'un enfant brusquement, dans cette haine amère,
Blond, pâle, accourt, surgit, voit son père ou sa mère,
Fait un pas, pousse un cri, tend les bras, et, soudain,
Vainqueurs pleins de courroux, vaincus pleins de dédain,
Hésitent, sont hagards, comprennent qu'ils se trompent,
Sentent une secousse obscure, et s'interrompent,
Les vainqueurs de tuer, les vaincus de mourir ;
Cette fragilité, faite pour tout souffrir,
Vient nous protéger tous, eux, dans leur ombre noire,
Contre leur chute, et nous contre notre victoire ;
Les hommes stupéfaits sont bons ; l'enfant le veut.
Sainte intervention ! Cette tête s'émeut
Au moindre vent, elle est frissonnante, elle tremble ;
Cette joue est vermeille et délicate ; il semble
Que des souffles d'avril elle attend le baiser,
Un papillon viendrait sur ce front se poser ;
C'est charmant ; tout à coup cela devient auguste
Et terrible ; arrêtez ! l'innocent, c'est le juste !
Éblouissement ! l'ombre est vaincue ; on dirait
Qu'au ciel une nuée entr'ouverte apparaît
Et jette sur la terre une lueur énorme ;
Tout s'éclaire ; le bien, le vrai, reprend sa forme ;