Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/351

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Elle offrait aux passants des faveurs mal venues,
Chantante ; elles étaient toutes deux demi-nues,
L'une pour les affronts, l'autre pour les douleurs ;
La mère, gaie, avait au front d'horribles fleurs ;
Il arrivait parfois, vers le soir, à la brune,
Que la mère et l'enfant se rencontraient, et l'une
Regardait son passé, l'autre son avenir.

Voir l'une commencer et voir l'autre finir !
Ô misère !

                        L'enfant se taisait, grave, amère.
Cette femme, après tout, était-elle sa mère ?
Oui. Non. Ceux qui mêlaient autour d'elles leurs pas
En parlaient au hasard et ne le savaient pas.
L'infortune est de l'ombre, et peut-être cet ange
N'avait-il même pas une mère de fange,
Hélas ! et l'humble enfant, seul sous le firmament,
Marchait terrible avec un air d'étonnement.
Elle ne paraissait ni vivante ni morte.
— Mais qu'a donc cet enfant à songer de la sorte ?
Disait-on autour d'elle. — Est-ce qu'on la connaît ?
Non. Les gens lui donnaient du pain qu'elle prenait
Sans rien dire ; elle allait devant elle, indignée.
Pour moi, rêveur, sa main tenait une poignée
D'invisibles éclairs montant de bas en haut ;