Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/356

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Elle était l'astre à qui tout un monde s'appuie. Un jour, tout à coup, folle, ivre, elle s'est enfuie. Un vertige l'a prise et l'a jetée au fond Des chaos où Moloch avec Dieu se confond. Quand elle en est sortie, elle était insensée ; Elle n'a plus voulu suivre que sa pensée, Sa furie, un instinct fougueux, torrentiel, Mauvais, car l'équilibre est la vertu du ciel. Devant elle, au hasard, elle s'en est allée ; Elle s'est dans l'abîme immense échevelée ; Elle a dit : Je me donne au gouffre, à volonté ! Je suis l'infatigable ; il est l'illimité. Elle a voulu chercher, trouver, sonder, connaître, Voir les mondes enfants, tâcher d'en faire naître, Aller jusqu'en leur lit provoquer les soleils, Examiner comment les enfers sont vermeils, Voir Satan, visiter cet astre en sa tanière, L'approcher, lui passer la main dans la crinière, Et lui dire : Lion, je t'aime ! Iblis, Mammon, Prends-moi, je viens m'offrir, déesse, à toi démon ! Elle s'est faite, ainsi que l'air, fuyante et souple, Elle a voulu goûter l'âcre extase du couple ; Et sans cesse épouser des univers nouveaux ; Elle a voulu toucher les croupes des chevaux De la foudre, et, parmi les bruits visionnaires, Rôder dans l'écurie énorme des tonnerres ; Elle a mis de l'éclair dans sa fauve clarté ; Elle a tout violé par curiosité ; Et l'