Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/369

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Plus que sur le Sina, plus que sur le Calvaire, Les ténèbres seront sur ce spectre sévère, Colosse par une âme inconnue habité ; Et l'on n'en verra rien que son énormité. La figure sera haute de cent coudées, Et d'un seul bloc ; jamais les Indes, les Chaldées, Et les sculpteurs d'Égypte ayant l'énigme en eux, N'auront rien maçonné de plus vertigineux. Nul ne pourra lever le voile aux plis de pierre. Personne ne saura s'il est une paupière Pouvant s'ouvrir, un œil pouvant verser des pleurs, Sous ce masque, et s'il est quelqu'un sous les ampleurs De ce suaire aux yeux humains inabordable ; Et tous contempleront l'Ignoré formidable. Pourtant on sentira que ce spectre n'est pas La haine, le glacier, le tombeau, le trépas ; Qu'il semble un spectre, étant sous le plus lourd des voiles, Mais que ce noir linceul peut-être est plein d'étoiles ; On sentira qu'il aime, et que l'on est devant Le seul être, le seul esprit, le seul vivant. Grands, petits, faibles, forts, le géant et l'atome, Sentiront l'univers présent dans ce fantôme ; D'une peur confiante envahis par degrés, Ils seront effrayés et seront rassurés ; Le vieillard et l'enfant, l'ignorant et le mage, Frémissants, comprendront qu'ils sont devant l'image De la Réalité suprême, et qu'en ce lieu Jéhova, Jupiter et Brahma pèsent peu ;