Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/393

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Elle se heurte à moi qui suis le cabestan
160De l’abîme, et qui dis aux soleils : Toi, va-t-en !
Toi, reviens. C’est ton tour. Toi, sors. Je te renvoie !
Car je n’existe pas seulement pour qu’on voie
À jamais, dans l’azur farouche et flamboyant,
Le Taureau, le Bélier, et le Lion fuyant
165Devant ce monstrueux chasseur, le Sagittaire,
Je plonge un seau profond dans le puits du mystère,
Et je suis le rouage énorme d’où descend
L’ordre invisible au fond du gouffre éblouissant.
Ciel sacré, si des yeux pouvaient avoir entrée
170Dans ton prodige, et dans l’horreur démesurée,
Peut-être, en l’engrenage où je suis, verrait-on,
Comme l’Ixion noir d’un divin Phlégéton,
Quelque effrayant damné, quelque immense âme en peine,
Recommençant sans cesse une ascension vaine,
175Et, pour l’astre qui vient quittant l’astre qui fuit,
Monter les échelons sinistres de la nuit !


LA VOIE LACTÉE

Millions, millions, et millions d’étoiles !
Je suis, dans l’ombre affreuse et sous les sacrés voiles,
La splendide forêt des constellations.
180C’est moi qui suis l’amas des yeux et des rayons,
L’épaisseur inouïe et morne des lumières.