Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/73

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— Creusez, dit Jorge. — On creuse. Au bout d’une semaine
Une autre pierre avec une autre forme humaine
Perce l’ombre, affreux spectre au fond d’un trou hideux ;
Et ce cadavre était le plus sombre des deux ;
Une corde à son cou rampait ; une poignée
De drachmes d’or sortait de sa main décharnée ;
Sur la pierre on lisait : Judas. — Creusez toujours !
Allez ! creusez ! cria le duc du haut des tours. —
Et le bruit du maçon que le maçon appelle
Recommença ; la pioche et la hotte et la pelle
Plongèrent plus avant qu’aucun mineur ne va.
Après huit autres jours de travail, on trouva
Soudain, dans la nuit blême où rien n’a plus de forme,
Un squelette terrible, et sur son crâne énorme
Quatre lettres de feu traçaient ce mot : Caïn.
Les pâles fossoyeurs frémirent, et leur main
Laissa rouler l’outil dans l’obscurité vide ;
Mais le duc apparaît, noir sur le ciel livide :
— Continuez, dit-il, penché sur le fossé,
Allez ! — On obéit ; et l’un d’eux s’est baissé,
Morne esclave, il reprend le pic pesant et frappe ;
Et la roche sonna comme une chausse-trappe,
Au second coup la terre obscure retentit ;
Du trou que fit la pioche une lueur sortit,
Lueur qui vint au front heurter la tour superbe,
Et fit, sur le talus, flamboyer les brins d’herbe
Comme un fourmillement de vipères de feu ;
On la sentait venir de quelque horrible lieu ;