Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/83

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Un aigle, dans le bruit des écumes, des cieux,
Des vents, des bois, des flots, passe silencieux.

L'aigle est le magnanime et sombre solitaire ;
Il laisse les vautours s'entendre sur la terre,
Les chouettes en cercle autour des morts s'asseoir,
Les corbeaux se parler dans les plaines le soir ;
Il se loge tout seul, et songe dans son aire,
S'approchant le plus près possible du tonnerre,
Dédaigneux des complots et des rassemblements.
Il plane immense et libre au seuil des firmaments,
Dans les azurs, parmi les profondes nuées,
Et ne fait rien à deux que ses petits. Huées
De l'abîme, fracas des rocs, cris des torrents,
Hurlements convulsifs des grands arbres souffrants,
Chocs d'avalanches, l'aigle ignore ces murmures.

Donc, au printemps, réveil des rois ; trahisons mûres ;
On parle, on va, l'on vient ; les guet-apens sont prêts ;
Et les villes en bas, tremblantes, loin et près,
Pansant leur vieille plaie, arrangeant leur décombre,
Écoutent tous ces pas des cyclopes de l'ombre.
Éternelle terreur du faible et du petit !
Qu'est-ce qu'ils font là-haut, ces rois ? On se blottit,
On regarde quel point de l'horizon s'allume,
On entend le bruit sourd d'on ne sait quelle enclume,