Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/95

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Tâchant de faire choir les piastres de leur main
À force de seins nus, de fard et de carmin,
Dansent autour des rois, car ils sont les Mécènes
De la jupe effarée et des groupes obscènes.
Parmi ces femmes, deux, l'une grande aux crins blonds,
L'autre petite avec des colliers de doublons,
Toutes deux gitanas au flanc couleur de brique,
Mêlent une âpre lutte au bolero lubrique ;
La petite, ployant ses reins, tordant son corps,
Rit et raille la grande, et la géante alors
Se penche sur la naine avec gloire et furie,
Comme une Pyrénée insulte une Asturie.

La cheminée, où sont creusés d'étroits grabats,
Remplit un pan de mur du haut jusques en bas ;
On voit sur le fronton Saint George, et sur la plaque,
Le combat d'un satyre avec un brucolaque.

Autour de ces rois luit le pillage flagrant.
Le deuil, les campagnards par milliers émigrant,
La plaine qui frémit, l'horizon qui rougeoie,
Les pueblos dévastés et morts, voilà leur joie.
C'est de ces noirs seigneurs que la misère sort.
Peut-être ce pays serait prospère et fort
Si l'on pouvait ôter à l'Espagne l'épine
Qu'elle porte au talon et qu'on nomme rapine.