Page:Hugo - Le Roi s amuse.djvu/92

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Ce qui reste, aprés tout, au mendiant d’Espagne ,
A l’esclave en Tunis, au forçat dans son bagne,
A tout homme, ici-bas, qui respireet se meut,
Le droit de ne pas rire et da pleurer , s’il veut,
Je ne l’ai pas.! — 0Dieu! triste et l’humeur mauvuise ,
Pris dans un corps mal fait ou je suis mal a l’aise,
Tout rempli de dégout de ma difformité, _
Jaloux de toute force at de toute l beauté ,
Entouré de splendeurs qui me rendent plus sombre ,
Parfois, farouche et seul, si je cherche un peu l’ombre,
Si je veux recueillir et calmer un moment
Mon ame qui sanglote et pleure amérement ,
Mon maitre tout A coup survient, mon joyeux maitre ,
Qui , tout-puissant, aimé des femmes , content d’étre,_
A force de bonheur oubliant le tombeau,
Grand, jeune, et bien. portant, et roi de France, et beau,
Me pousse avec le pied dans l'ombre ou je soupire ,
Et me dit en béillant : Bouffon! fais-moi donc rire!
— O pauvre fou de cour l — C’est un homme , aprés tout !
— Eh bien! la passion qui dans son ame bout, .
La rancune, l’orgueil , la colére hautaine ,
L’envie et la fureur dont sa poitrine est pleine,
Le calcul éternel de quelque affreux dessein ,
Tous ces noirs sentiments qui lui rongent lc sein,
Sur un signe du maitre , en lui-meme il les broie,
Et , pour quiconque en veut, il en fait de la joie !
— Abjection! — S’il marche, ou se léve, ou s’assied ,
Toujours il sent le fil qui lui tire le pied.
— Mépris de toute part ! —— Tout homme l’humilie.
Ou bien, c’est une reine, une femme, jolie,