Page:Hugo - Les Châtiments (Hetzel, 1880).djvu/424

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Est juste. Il faut que l’ordre et que l’autorité
Se défendent. Comment souffrir qu’on les discute ?
D’ailleurs les lois sont là pour qu’on les exécute.
Il est des vérités éternelles qu’il faut
Faire prévaloir, fût-ce au prix de l’échafaud.
Ce novateur prêchait une philosophie.
Amour, progrès, mots creux, et dont je me défie.
Il raillait notre culte antique et vénéré.
Cet homme était de ceux qui n’ont rien de sacré,
Il ne respectait rien de tout ce qu’on respecte.
Pour leur inoculer sa doctrine suspecte,
Il allait ramassant dans les plus méchants lieux
Des bouviers, des pêcheurs, des drôles bilieux,
D’immondes va-nu-pieds n’ayant ni sou ni maille ;
Il faisait son cénacle avec cette canaille.
Il ne s’adressait pas à l’homme intelligent,
Sage, honorable, ayant des rentes, de l’argent,
Du bien ; il n’avait garde. Il égarait les masses ;
Avec des doigts levés en l’air et des grimaces
Il prétendait guérir malades et blessés,
Contrairement aux lois. Mais ce n’est pas assez.
L’imposteur, s’il vous plaît, tirait les morts des fosses.
Il prenait de faux noms et des qualités fausses,
Et se faisait passer pour ce qu’il n’était pas.
Il errait au hasard, disant : — Suivez mes pas,
Tantôt dans la campagne et tantôt dans la ville
N’est-ce pas exciter à la guerre civile,
Au mépris, à la haine entre les citoyens ?
On voyait accourir vers lui d’affreux païens,
Couchant dans les fossés et dans les fours à plâtre,