Page:Hugo - Les Contemplations, Nelson, 1856.djvu/216

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— Où marchez-vous, tremblants prophètes ?
— Où courez-vous, pâtres troublés ?
Ainsi parlaient ces sombres têtes,
Et l’ombre leur criait : Allez !

Aujourd’hui, l’on ne sait plus même
Qui monta le plus de degrés,
Des Zoroastres au front blême
Ou des Abrahams effarés.

Et quand nos yeux qui les admirent
Veulent mesurer leur chemin
Et savoir quels sont ceux qui mirent
Le plus de jour dans l’œil humain,

Du noir passé perçant les voiles,
Notre esprit flotte sans repos
Entre tous ces compteurs d’étoiles
Et tous ces compteurs de troupeaux.


*


Dans nos temps, où l’aube enfin dore
Les bords du terrestre ravin,
Le rêve humain s’approche encore
Plus près de l’idéal divin.

L’homme que la brume enveloppe,
Dans le ciel que Jésus ouvrit,
Comme à travers un télescope
Regarde à travers son esprit.

L’âme humaine, après le Calvaire,
A plus d’ampleur et de rayon ;
Le grossissement de ce verre
Grandit encor la vision.