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L’effrayant tourbillon des âmes.Tout méchant
Fait naître en expirant le monstre de sa vie,
Qui le saisit. L’horreur par l’horreur est suivie.
Nemrod gronde enfermé dans la montagne à pic ;
Quand Dalila descend dans la tombe, un aspic
Sort des plis du linceul, emportant l’âme fausse ;
Phryné meurt, un crapaud saute hors de la fosse ;
Ce scorpion au fond d’une pierre dormant,
C’est Clytemnestre aux bras d’Égisthe son amant ;
Du tombeau d’Anitus il sort une ciguë ;
Le houx sombre et l’ortie à la piqûre aiguë
Pleurent quand l’aquilon les fouette, et l’aquilon
Leur dit : Tais-toi, Zoïle ! et souffre, Ganelon !
Dieu livre, choc affreux dont la plaine au loin gronde,
Au cheval Brunehaut le pavé Frédégonde ;
La pince qui rougit dans le brasier hideux
Est faite du duc d’Albe et de Philippe deux ;
Farinace est le croc des noires boucheries ;
L’orfraie au fond de l’ombre a les yeux de Jeffryes ;
Tristan est au secret dans le bois d’un gibet.
Quand tombent dans la mort tous ces brigands, Macbeth,
Ezzelin, Richard trois, Carrier, Ludovic Sforce,
La matière leur met la chemise de force.
Oh ! comme en son bonheur, qui masque un sombre arrêt,
Messaline ou l’horrible Isabeau frémirait,
Si, dans ses actions du sépulcre voisines,
Cette femme sentait qu’il lui vient des racines,
Et qu’ayant été monstre, elle deviendra fleur !
À chacun son forfait ! à chacun sa douleur !
Claude est l’algue que l’eau traîne de havre en havre ;
Xercès est excrément, Charles neuf est cadavre ;
Hérode, c’est l’osier des berceaux vagissants ;
L’âme du noir Judas, depuis dix-huit cents ans,