Page:Hugo - Les Misérables Tome II (1890).djvu/481

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tance désespérée, il faisait cette réflexion lugubre : — Et quand il boirait ! se griserait-il ?

— Provincial, dit le fossoyeur, si vous le voulez absolument, j’y consens. Nous boirons. Après l’ouvrage, jamais avant.

Et il donna le branle à sa pelle. Fauchelevent le retint.

— C’est de l’Argenteuil à six !

— Ah çà, dit le fossoyeur, vous êtes sonneur de cloches. Din don, din don ; vous ne savez dire que ça. Allez vous faire lanlaire.

Et il lança la seconde pelletée.

Fauchelevent arrivait à ce moment où l’on ne sait plus ce qu’on dit.

— Mais venez donc boire, cria-t-il, puisque c’est moi qui paye !

— Quand nous aurons couché l’enfant, dit le fossoyeur.

Il jeta la troisième pelletée.

Puis il enfonça la pelle dans la terre et ajouta :

— Voyez-vous, il va faire froid cette nuit, et la morte crierait derrière nous si nous la plantions là sans couverture.

En ce moment, tout en chargeant sa pelle, le fossoyeur se courbait, et la poche de sa veste bâillait.

Le regard égaré de Fauchelevent tomba machinalement dans cette poche, et s’y arrêta.

Le soleil n’était pas encore caché par l’horizon ; il faisait assez de jour pour qu’on pût distinguer quelque chose de blanc au fond de cette poche béante.

Toute la quantité d’éclair que peut avoir l’œil d’un