Page:Hugo - Les Misérables Tome II (1890).djvu/494

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— Il répond bien.

Jean Valjean n’avait pas prononcé un mot.

La prieure regarda Cosette avec attention, et dit à demi-voix à la mère vocale :

— Elle sera laide.

Les deux mères causèrent quelques minutes très bas dans l’angle du parloir, puis la prieure se retourna et dit :

— Père Fauvent, vous aurez une autre genouillère avec grelot. Il en faut deux maintenant.

Le lendemain en effet on entendait deux grelots dans le jardin, et les religieuses ne résistaient pas à soulever un coin de leur voile. On voyait au fond sous les arbres deux hommes bêcher côte à côte, Fauvent et un autre. Événement énorme. Le silence fut rompu jusqu’à s’entre-dire : C’est un aide-jardinier.

Les mères vocales ajoutaient : C’est un frère au père Fauvent.

Jean Valjean en effet était régulièrement installé ; il avait la genouillère de cuir, et le grelot ; il était désormais officiel. Il s’appelait Ultime Fauchelevent.

La plus forte cause déterminante de l’admission avait été l’observation de la prieure sur Cosette : Elle sera laide.

La prieure, ce pronostic prononcé, prit immédiatement Cosette en amitié, et lui donna place au pensionnat comme élève de charité.

Ceci n’a rien que de très logique. On a beau n’avoir point de miroir au couvent, les femmes ont une conscience pour leur figure ; or, les filles qui se sentent jolies se laissent malaisément faire religieuses ; la vocation étant assez vo-