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LES MISÉRABLES. — L’ÉPOPÉE RUE St-DENIS.

Il y eut une pause, et la chiffonnière, cédant à ce besoin d’étalage qui est le fond de l’homme, ajouta :

— Le matin en rentrant j’épluche l’hotte, je fais mon treillage (probablement triage). Ça fait des tas dans ma chambre. Je mets les chiffons dans un panier, les trognons dans un baquet, les linges dans mon placard, les lainages dans ma commode, les vieux papiers dans le coin de la fenêtre, les choses bonnes à manger dans mon écuelle, les morceaux de verre dans la cheminée, les savates derrière la porte, et les os sous mon lit.

Gavroche, arrêté derrière, écoutait.

— Les vieilles, dit-il, qu’est-ce que vous avez donc à parler politique ?

Une bordée l’assaillit, composée d’une huée quadruple.

— En voilà encore un scélérat !

— Qu’est-ce qu’il a donc à son moignon ? Un pistolet ?

— Je vous demande un peu, ce gueux de môme !

— Ça n’est pas tranquille si ça ne renverse pas l’autorité.

Gavroche, dédaigneux, se borna, pour toute représaille, à soulever le bout de son nez avec son pouce en ouvrant une main toute grande.

La chiffonnière cria :

— Méchant va-nu-pattes !

Celle qui répondait au nom de mame Patagon frappa ses deux mains l’une contre l’autre avec scandale :

— Il va y avoir des malheurs, c’est sûr. Le galopin d’à côté qui a une barbiche, je le voyais passer tous les matins avec une jeunesse en bonnet rose sous le bras, aujourd’hui