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CORINTHE.

Alors il saisit un fusil et commence à battre la porte à coups de crosse. C’était une vieille porte d’allée, cintrée, basse, étroite, solide, toute en chêne, doublée à l’intérieur d’une feuille de tôle et d’une armature de fer, une vraie poterne de bastille. Les coups de crosse faisaient trembler la maison, mais n’ébranlaient pas la porte.

Toutefois il est probable que les habitants s’étaient émus, car on vit enfin s’éclairer et s’ouvrir une petite lucarne carrée au troisième étage, et apparaître à cette lucarne une chandelle et la tête béate et effrayée d’un bonhomme en cheveux gris qui était le portier.

L’homme qui cognait s’interrompit.

— Messieurs, demanda le portier, que désirez-vous ?

— Ouvre ! dit Le Cabuc.

— Messieurs, cela ne se peut pas.

— Ouvre toujours !

— Impossible, messieurs !

Le Cabuc prit son fusil et coucha en joue le portier ; mais comme il était en bas, et qu’il faisait très noir, le portier ne le vit point.

— Oui ou non, veux-tu ouvrir ?

— Non, messieurs !

— Tu dis non ?

— Je dis non, mes bons…

Le portier n’acheva pas. Le coup de fusil était lâché ; la balle lui était entrée sous le menton et était sortie par la nuque après avoir traversé la jugulaire. Le vieillard s’affaissa sur lui-même sans pousser un soupir. La chandelle tomba et s’éteignit, et l’on ne vit plus rien qu’une tête immo-