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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

s’y reprendre à quatre fois. Il lui ruisselait des cheveux autant de sueur que de pluie. Le quatrième effort fut frénétique. Il y eut un rauquement dans le rocher, l’hiatus prolongé en fissure s’ouvrit comme une mâchoire, et la lourde masse tomba dans l’étroit entre-deux du défilé avec un bruit terrible, réplique aux coups de foudre.

Elle tomba droite, si cette expression est possible, c’est-à-dire sans se casser.

Qu’on se figure un menhir précipité tout d’une pièce.

La poutre-levier suivit le rocher, et Gilliatt, tout cédant à la fois sous lui, faillit lui-même tomber.

Le fond était très comblé de galets en cet endroit et il y avait peu d’eau. Le monolithe, dans un clapotement d’écume qui éclaboussa Gilliatt, se coucha entre les deux grandes roches parallèles du défilé et fit une muraille transversale, sorte de trait d’union des deux escarpements. Ses deux bouts touchaient ; il était un peu trop long, et son sommet qui était de roche mousse s’écrasa en s’emboîtant. Il résulta de cette chute un cul-de-sac singulier, qu’on peut voir encore aujourd’hui. L’eau derrière cette barre de pierre est presque toujours tranquille.

C’était là un rempart plus invincible encore que le panneau de l’avant de la Durande ajusté entre les deux Douvres.

Ce barrage intervint à propos.

Les coups de mer avaient continué. La vague s’opiniâtre toujours sur l’obstacle. La première claire-voie entamée commençait à se désarticuler. Une maille défaite à un brise-lames est une grave avarie. L’élargissement du trou est