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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

« La Catherine » était évidemment une sarregousette.

Gilliatt, selon toute apparence, faisait œuvre de nuit. Du moins, personne n’en doutait.

On le voyait quelquefois, avec une cruche qu’il avait, verser de l’eau à terre. Or l’eau qu’on jette à terre trace la forme des diables.

Il existe sur la route de Saint-Sampson, vis-à-vis le martello numéro I, trois pierres arrangées en escalier. Elles ont porté sur leur plate-forme, vide aujourd’hui, une croix, à moins qu’elles n’aient porté un gibet. Ces pierres sont très malignes.

Des gens fort prud’hommes et des personnes absolument croyables affirmaient avoir vu, près de ces pierres, Gilliatt causer avec un crapaud. Or il n’y a pas de crapauds à Guernesey ; Guernesey a toutes les couleuvres, et Jersey a tous les crapauds. Ce crapaud avait dû venir de Jersey à la nage pour parler à Gilliatt. La conversation était amicale.

Ces faits demeurèrent constatés ; et la preuve, c’est que les trois pierres sont encore là. Les gens qui douteraient peuvent les aller voir ; et même, à peu de distance, il y a une maison au coin de laquelle on lit cette enseigne : Marchand en bétail mort et vivant, vieux cordages, fer, os et chiques ; est prompt dans son paiement et dans son attention.

Il faudrait être de mauvaise foi pour contester la présence de ces pierres et l’existence de cette maison. Tout cela nuisait à Gilliatt.

Les ignorants seuls ignorent que le plus grand danger des mers de la Manche, c’est le roi des Auxcriniers. Pas de