Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/100

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§ XI

L’autre, Dante, a construit dans son esprit l’abîme. Il a fait l’épopée des spectres. Il évide la terre ; dans le trou terrible qu’il lui fait, il met Satan. Puis il la pousse par le purgatoire jusqu’au ciel. Où tout finit, Dante commence. Dante est au delà de l’homme. Au delà, pas en dehors. Proposition singulière, qui pourtant n’a rien de contradictoire, l’âme étant un prolongement de l’homme dans l’indéfini. Dante tord toute l’ombre et toute la clarté dans une spirale monstrueuse. Cela descend, puis cela monte. Architecture inouïe. Au seuil est la brume sacrée. En travers de l’entrée est étendu le cadavre de l’espérance. Tout ce qu’on aperçoit au delà est nuit. L’immense angoisse sanglote confusément dans l’invisible. On se penche sur ce poëme gouffre ; est-ce un cratère ? On y entend des détonations ; le vers en sort étroit et livide comme des fissures d’une solfatare ; il est vapeur d’abord, puis larve ; ce blêmissement parle ; et alors on reconnaît que le volcan entrevu, c’est l’enfer. Ceci n’est plus le milieu humain. On