Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/123

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tout en les constatant au sommet de l’art, nous leur préférons les œuvres nommées. A beauté égale, le Râmayana nous touche moins que Shakespeare. Le moi d’un homme est plus vaste et plus profond encore que le moi d’un peuple.

Pourtant ces myriologies composites, les grands testaments de l’Inde surtout, étendues de poésie plutôt que poëmes, expression à la fois sidérale et bestiale des humanités passées, tirent de leur difformité même on ne sait quel air surnaturel. Le moi multiple que ces myriologies expriment en fait les polypes de la poésie, énormités diffuses et surprenantes. Les étranges soudures de l’ébauche antédiluvienne semblent visibles là comme dans l’ichthyosaurus ou le ptérodactyle. Tel de ces noirs chefs-d’œuvre à plusieurs têtes fait sur l’horizon de l’art la silhouette d’une hydre.

Le génie grec ne s’y trompe pas et les abhorre. Apollon les combattrait.

En dehors, et au-dessus, le Romancero excepté, de toutes ces œuvres collectives et anonymes, il y a des hommes pour représenter les peuples. Ces hommes, nous venons de les énumérer. Ils donnent aux nations et aux siècles la face humaine. Ils sont dans l’art les incarnations de la Grèce, de l’Arabie, de la Judée, de Rome païenne, de l’Italie chrétienne, de l’Espagne,