Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/182

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

son nom à l’année ? Huée à l’archonte éponyme qui a dernièrement fait élire et couronner un poëte par dix généraux au lieu de prendre dix hommes du peuple.

Il est vrai qu’un des généraux était Cimon : circonstance atténuante aux yeux des uns, car Cimon a battu les Phéniciens, aggravante aux yeux des autres, car c’est ce Cimon qui, afin de sortir de la prison pour dettes, a vendu sa sœur Elphinie et, par-dessus le marché, sa femme, à Callias. Si Eschyle est un téméraire, et mérite d’être mandé devant l’aréopage, est-ce que Phrynichus n’a pas été, lui aussi, jugé et condamné pour avoir montré sur la scène, dans la Prise de Millet, les Grecs battus par les Perses ? Quand laissera-t-on les poètes faire à leur guise ? Vive la liberté de Périclès et à bas la censure de Solon ! Et puis, qu’est-ce que c’est que cette loi qu’on vient de rendre, qui réduit le chœur de cinquante choreutes à quinze ? et comment jouera-t-on les Danaïdes ? et ne ricanera-t-on point au vers d’Eschyle : Egyptus, le père aux cinquante fils ? les cinquante seront quinze. Cette magistrature est inepte. Querelle, rumeur. L’un préfère Phrynichus, un autre préfère Eschyle, un autre préfère le vin miellé au benjoin. Les porte-voix des acteurs se tirent comme ils peuvent de ce brouhaha, percé de temps en temps par le cri aigre