Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/270

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le contraire de la grâce maladive, bien qu’elle lui ressemble, émanant, elle aussi, de la tombe.

Le deuil, le grand deuil du drame, qui n’est pas autre chose que le milieu humain apporté dans l’art, enveloppe cette grâce et cette horreur.

Hamlet, le doute, est au centre de son œuvre, et aux deux extrémités, l’amour ; Roméo et Othello, tout le cœur. Il y a de la lumière dans les plis du linceul de Juliette ; mais rien que de la noirceur dans le suaire d’Ophélia dédaignée et de Desdemona soupçonnée. Ces deux innocences auxquelles l’amour a manqué de parole ne peuvent être consolées. Desdemona chante la chanson du saule sous lequel l’eau entraîne Ophélia. Elles sont sœurs sans se connaître, et se touchent par l’âme, quoique chacune ait son drame à part. Le saule frissonne sur toutes deux. Dans le mystérieux chant de la calomniée qui va mourir flotte la noyée échevelée, entrevue.

Shakespeare dans la philosophie va parfois plus avant qu’Homère. Au delà de Priam il y a Lear ; pleurer l’ingratitude est pire que pleurer la mort. Homère rencontre l’envieux et le frappe du sceptre, Shakespeare donne le sceptre à l’envieux, et de Thersite il fait Richard III ; l’envie est d’autant plus mise à nu qu’elle est vêtue de pourpre ; sa raison d’être est alors visiblement